Par un Jugement du 4 décembre 2014 (SCPP / Orange, Free, SFR et Bouygues Télécom), le Tribunal de Grande Instance de Paris a ordonné le blocage de l'accès au site The Pirate Bay, et à celui de ses différents sites miroirs, sur le fondement de l'article L.336-2 du Code de la propriété intellectuelle qui précise qu' “en présence d’une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d’un service de communication au public en ligne, le tribunal de grande instance, statuant le cas échéant en la forme des référés, peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les oeuvres et objets protégés, de leurs ayants droit, des sociétés de perception et de répartition des droits visées à l’article L. 321-1 ou des organismes de défense professionnelle visés à l’article L. 331-1, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier.“
S'agissant du caractère illicite des téléchargements effectués sur The Pirate Bay: Le Tribunal a jugé que les sites du réseau thepiratebay avaient une activité illicite en ce qu’ils proposaient un contenu exclusivement ou quasi exclusivement dédié à une activité qui consiste à représenter et/ou reproduire des phonogrammes sous la forme de téléchargements, sans l’autorisation des auteurs, en contravention avec les articles L.122- 1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
S'agissant des mesures de blocage sollictées: Le Tribunal a constaté qu'à l'exception de Free, les FAI ne contestaient pas que les mesures de blocage sollicitées par la SCPP, visant à empêcher l'accès aux sites Internet litigieux, était susceptibles de contribuer à empêcher ou à réduire l’atteinte aux droits des auteurs des oeuvres.
S'agissant de la nature des mesures de blocage: Sur ce point qui ne ne faisait l'objet d'aucune contestation, le choix des mesures de blocage à mettre en place a été laissé aux FAI.
S'agissant de la prise en charge du coût du blocage: Le Tribunal a précisé que les mesures de blocage ordonnées l'étaient à la demande de la SCPP et à leur bénéfice. Cette dernière ne justifiait d’aucune disposition légale particulière relative à la prise en charge financière des mesures sollicitées. Le Tribunal a en outre rappelé les termes des jurisprudences suivantes pour fonder sa décision:
- Décision du Conseil Constitutionnel du 28 décembre 2000 ayant décidé, à propos des frais engendrés par les interceptions de sécurité demandées aux opérateurs, que : « s’il est loisible au législateur, dans le respect des libertés constitutionnellement garanties, d’imposer aux opérateurs de réseaux de télécommunications de mettre en place et de faire fonctionner les dispositifs techniques permettant les interceptions justifiées par les nécessités de la sécurité publique, le concours ainsi apporté à la sauvegarde de l’ordre public, dans l’intérêt général de la population, est étranger à l’exploitation des réseaux de télécommunications ; que les dépenses en résultant ne sauraient dès lors, en raison de leur nature, incomber directement aux opérateurs ».
- Arrêt de la CJUE du 16 février 2012 (Aff. SABAM / NETLOG) ayant jugé qu'une « une telle injonction entraînerait une atteinte caractérisée à la liberté d ’entreprise du fournisseurs d’accès internet concerné puisqu’elle l’obligerait à mettre en place un système informatique complexe, coûteux, permanent et à ses seuls frais, ce qui serait d’ailleurs contraire aux conditions prévues à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/48, qui exige que les mesures pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle ne soient pas inutilement complexes ou coûteuses ».
- Arrêt de la CJUE du 27 mars 2014 (Aff. TELEKABEL) qui a rappelé que l’injonction limitait la liberté d’entreprendre du fournisseur d’accès à l’internet, notamment en ce qu’elle l’obligeait à prendre des mesures qui étaient susceptibles de représenter pour celui-ci un coût important, alors même qu’il n’était pas l’auteur de l’atteinte au droit fondamental de propriété intellectuelle ayant provoqué l’adoption de ladite injonction.
En conséquence, le Tribunal a jugé que le coût des mesures ordonnées ne pouvait pas être mis à la charge des FAI, ceux-ci pouvant solliciter le paiement de leurs frais auprès de la SCPP.
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